Beethoven et la 9e

Tout le monde connaît Ludwig van Beethoven, ses œuvres, ses cheveux fous, son influence. Thomas baronnet mène l’enquête sur le Finale de sa Symphonie n° 9, vous saurez tout sur l’Ode à la joie : sa création, le sens de cet hymne, et même le niveau sonore lorsque l’œuvre était jouée à l’époque de sa création !

Pour aller plus loin : le texte du programme de salle

Il faut imaginer Ludwig van Beethoven au Kärtnertor de Vienne le 7 mai 1824, debout, dos au public, aux côtés du chef d’orchestre Michael Umlauf à qui il donne le tempo, emmuré dans sa surdité. Qu’allait penser l’assistance de sa nouvelle création : la Symphonie n° 9, mûrie patiemment pendant près de trente ans ?

C’est en effet dès 1792 que Beethoven songe à mettre en musique le poème An die Freude de Friedrich von Schiller qu’il admire, dès 1808 qu’il annonce l’Hymne à la joie dans le final éblouissant de sa Fantaisie pour piano, chœur et orchestre, et en 1818 qu’il ambitionne d’intégrer des parties chorales dans une partition symphonique. Aussi, lorsqu’il se met en 1822 à l’écriture proprement dite en synthétisant toutes ses idées, c’est comme s’il se mettait à assembler les pièces éparpillées d’un puzzle.

Le succès de la partition est immédiat. La salle déchaînée fête le musicien qui ne s’en aperçoit que quand la contralto Caroline Unger le prend par le bras pour le placer face au public. Il semble que les Viennois aient tout de suite saisi qu’il s’agissait là d’une œuvre exceptionnelle, colossale dans ses dimensions, grandiose dans son dessein.

Cette longue symphonie – la plus longue de Beethoven – se développe selon la structure classique de quatre mouvements, mais sous une forme amplifiée et pleine de surprises, avec de brusques contrastes et des chœurs qui pulvérisent le cadre traditionnel tout en appelant à la fraternité entre les peuples.

Le premier mouvement, un Allegro ma non troppo, débute par une introduction de seize mesures où l’orchestre passe du pianissimo au crescendo pour exploser brutalement en un premier thème imposant, joué fortissimo, avant un deuxième thème tout en contrastes. Une coda particulièrement longue vient clore cette première partie avec une marche funèbre.

Le deuxième mouvement, Molto vivace, est un scherzo marqué par le rôle important accordé aux timbales et par le rythme presque obsessionnel qui s’impose comme une énergie vitale.

Tranchant avec les deux premiers mouvements explosifs, l’Adagio molto e cantabile qui suit apporte un climat de merveilleuse sérénité.

C’est dans le Finale – dernier mouvement de 25 minutes, une longueur inhabituelle – qu’après une ouverture instrumentale théâtrale apparaissent les voix. Le thème de l’Ode à la joie, d’abord murmuré par les hautbois, clarinettes, bassons et cors, laisse place au baryton qui chante « O Freunde, nicht diese Töne, sondern lasst uns angenehmere anstimmen und freudenvollere ! » (Ô frères, abandonnez cette musique, entonnons plutôt une musique plus agréable et joyeuse ! »). Le chœur reprend alors les derniers vers de l’Ode, avec de multiples variations, jusqu’au déchainement conclusif.

Cinq rappels, mouchoirs et chapeaux en l’air, mains levées : au triomphe de la création a succédé une postérité exceptionnelle. Si Richard Wagner l’a décrite comme « la dernière des symphonies » tant elle semble indépassable, elle est surtout l’éclatant symbole des Lumières grâce au message de paix et de fraternité présent dans l’Ode à la joie, au point d’être choisie, plus récemment, comme l’hymne européen.

Isabelle Stibbe pour Insula orchestra