Les instruments d’époque
Instruments d’alors, esprit d’aujourd’hui
Afin d’être au plus proche des intentions d’écriture, nous jouons sur instruments d’époque et nous menons des recherches musicales et historiques pointues autour des œuvres.
Choisir les instruments d’époque, c’est choisir une interprétation au plus près des intentions des compositeurs
L’expression « instruments d’époque » – ou « instruments anciens » – fait référence à l’époque de la partition interprétée. À chaque partition son époque, et donc ses instruments spécifiques. Les instruments que vous verrez et entendrez lors de nos concerts ne datent pas tous de l’époque de Mozart ou de Beethoven, il peut également s’agir de copies ou d’instruments anciens. Que ce soient des originaux ou des copies récentes conçues selon les modèles d’époque, avec les mêmes matériaux, ils impliquent une technique de jeu spécifique.
Les instruments anciens sont fabriqués selon les méthodes utilisées à l’époque des compositions jouées. En effet, la fabrication évolue selon les besoins de la musique, les goûts et les modes faisant varier avec eux la silhouette de l’orchestre. Et l’inverse est vrai également ! Si les instruments anciens ont sans aucun doute une forme de vulnérabilité, leur jeu étant plus risqué techniquement parlant, il peut être plus intéressant. Ils sont plein de nuance et de caractère. Le jeu sur instruments modernes est moins risqué, plus fiable, le son est très égal. La couleur musicale change.
L’orchestre sur instruments d’époque a un son d’ensemble qui se rapproche de ce que pouvait entendre un auditeur deux siècles auparavant. Une expérience musicale totale qui vous fera voyager dans le temps !
« Il me semble essentiel de rendre justice à cette musique en l’interprétant sur les instruments les plus proches de ceux qui l’ont vu naître. Les instruments du milieu du XIXe siècle sont adaptés à la souplesse de ce style musical ; les cordes sont vives, et on peut bien restituer la transparence harmonique de certains passages ou la densité orchestrale d’autres sections. Pour atteindre cet objectif, les instruments d’époque et la pratique d’exécution de musiciens rompus aux styles qui ont précédé me semblent très précieux. »
Laurence Equilbey, directrice artistique et musicale d’Insula orchestra, à propos de l’enregistrement des Symphonies n° 1 et 3 de Louise Farrenc
La quête du son « d’époque » ne se limite pas au réemploi d’instruments anciens : interprétation des signes de la partition, pratique d’exécution, couleurs, consultation des sources manuscrites, compréhension du contexte historique et philosophique, des conditions d’interprétation… L’interprétation dite « historiquement informée » invite à réfléchir à tous les domaines connexes à l’œuvre musicale, sans perdre de vue la dimension vivante du concert : chercher quoiqu’il arrive la résonance avec notre époque, avec les nécessaires compromis, le but étant toujours musical et non dogmatique.
Quelques exemples, de l'ancien au moderne
Le violon
Le violon ancien est posé directement sur l’épaule du musicien, il n’a pas de coussin. Certains instrumentistes de notre orchestre jouent avec une mentonnière, d’autres non, et certains choisissent en fonction du répertoire abordé. La mentonnière et le coussin permettent un maintien beaucoup plus ferme du violon, libérant le bras, et donc la main gauche. Le violoniste peut ainsi jouer des partitions plus virtuoses, suivant ainsi l’évolution du répertoire. La mentonnière a fait son apparition chez les violonistes avec l’essor du répertoire romantique. C’est un peu plus tard dans le XIXe siècle que le coussin est apparu.
On peut comparer la liberté de mouvement qu’offrent la mentonnière et le coussin au violoniste à celle qu’apporte la pique au violoncelliste. Avec la pique, le violoncelliste peut parcourir tout le manche sans que l’instrument ne glisse.
La baguette de l’archet ancien est légèrement convexe (la forme est tournée vers l’extérieur, comme un arc), il y a donc moins de tension dans le crin. L’archet ancien est plus souple, idéal pour sculpter les phrases musicales. Plus tard, l’archet adoptera une forme concave, augmentant la tension et permettant ainsi plus de puissance et de régularité.
Archets anciens, de haut en bas : contrebasse, violoncelle, alto et violon ©Julien Benhamou pour Insula orchestra.
Sur le violon ancien, les cordes sont en boyau – de mouton, principalement – et sont très fines, elles cassent souvent. Leur timbre est plus coloré, il y a une intimité du son. Il y a plus de souplesse et de sensibilité dans le jeu sur cordes en boyau.
Les cordes en métal du violon moderne sont plus solides et donnent un son brillant et très égal.
À gauche, un alto ancien, à droite, un violon ancien.
La flûte
Le traverso est le nom de la flûte traversière ancienne. Il est en bois et possède en général 7 trous et une seule clef. Les doigtés sont souvent complexes pour jouer certaines notes. L’étendue des notes du traverso est assez courte, mais le son est très beau. Le son est si délicat, que parfois plusieurs flûtistes doivent jouer la même partie dans l’orchestre pour se faire entendre.
La flûte moderne est en acier et possède plusieurs clefs, qui permettent de boucher les trous plus facilement, et font de la flûte un instrument extrêmement véloce qui possède une tessiture très étendue entre les graves et les aigus.
Côte-à-côte, démontées, une flûte ancienne et une flûte moderne. On note les clefs beaucoup plus nombreuses sur la flûte moderne. © Julien Benhamou
Les timbales
À l’époque ancienne, les timbales sont de tailles petites, ou moyennes. Le son est très vif, parfois léger, parfois flamboyant.
Pour accorder la timbale, il faut tourner les 5 à 6 manettes tout autour qui permettent de tendre ou détendre la peau de veau.
Aujourd’hui, les timbaliers peuvent avoir 3, 4 ou 5 timbales pour jouer plein de notes différentes. La taille des timbales peut être très grande, ce qui rend le son puissant. Une pédale permet de changer rapidement la tension de la peau pour changer de note. Le son est profond, puissant, avec une grande résonance.
Timbales anciennes © Julien Benhamou
Le cor
Le cor ancien, dit cor naturel, est dépourvu de pistons : toutes les notes se forment uniquement avec les lèvres, l’embouchure et la pression du souffle. Certaines notes peuvent être difficiles à atteindre.
Il existe plusieurs tailles de tuyaux enroulés, qu’on appelle tons. Chaque ton peut émettre quelques notes, et pour émettre d’autres notes, il faut donc changer de tuyau. Le timbre est très coloré, caractérisé. Il est également possible de modifier la hauteur de la note en bouchant le pavillon avec la main. Cela s’appelle un cor bouché. Le son devient très particulier, un peu plus nasillard et zingué.
Le cor moderne a quelques pistons, et grâce à ces derniers, le corniste peut jouer beaucoup de notes, précisément et rapidement. Il a la possibilité de changer la longueur du tube très rapidement. Le son est très homogène, sur toutes les notes. Un corniste à lui seul joue les tonalités de 12 tons avec un seul cor.
En concert, chacun sa technique pour garder ses tons à proximité © Axel Coeuret pour Insula orchestra.
Côte-à-côte, un cor moderne et un cor naturel © Julien Benhamou pour Insula orchestra
La trompette
La trompette ancienne est dite « naturelle » parce qu’elle n’a pas de pistons. Ceux-ci sont apparus il y a 200 ans, vers 1815, et ont révolutionné cet instrument alors un peu démodé.
Lorsqu’il jouait de la trompette naturelle, le musicien changeait de note en contrôlant son souffle et en faisant vibrer l’air en ses lèvres. Comme le cor, certaines notes restaient très difficiles à atteindre.
L’arrivée du piston a changé tout cela. Son principe : il permet d’allonger, comme la coulisse du trombone par exemple, le tuyau qui compose l’instrument et donc de jouer une note plus grave ou plus aigüe beaucoup plus facilement.
De gauche à droite : deux trompettes naturelles anciennes et une trompette moderne, avec pistons © Julien Benhamou pour Insula orchestra.