Requiem de Fauré

Replay, Sky burial © Julien Benhamou
Programme

En février 2023, nous avons joué le Requiem de Fauré à La Seine Musicale. Une œuvre accompagnée de la création vidéo « Sky burial » (un enterrement dans le ciel) de l’artiste Mat Collishaw. Retour en images sur la création de ce projet !

Captation son, Laure Casenave-Péré
Réalisation, Marie Guilloux
Extraits de « Sky burial » © Mat Collishaw

© Insula orchestra, Squaw Films – 2023

Distribution
Amitai Pati
ténor
Samuel Hasselhorn
baryton
enfant soprano
Maîtrise des Hauts-de-Seine
accentus
Insula orchestra
Laurence Equilbey
direction
Mat Collishaw
installation vidéo

Quelques mots sur le Requiem de Fauré

Gabriel Fauré débute l’écriture du Requiem à l’automne 1887. L’œuvre est jouée pour la première fois à l’église de la Madeleine le 9 janvier suivant, sous la direction du compositeur. Elle ne comportait alors que 5 des 7 morceaux qu’elle rassemble aujourd’hui, l’Offertoire et le Libera me ayant été rajoutés plus tard. L’orchestration est d’abord pensée pour le lieu et son acoustique, sans partie de violon ni de bois mais avec quelques cuivres. C’est à la demande de son éditeur Julien Hamelle que Gabriel Fauré la reprend pour en donner une deuxième version en 1901,conçue cette fois pour un orchestre symphonique complet.

Le succès de cette nouvelle partition est immédiat. Le compositeur lui-même est surpris, comme il l’écrit alors : « On joue mon Requiem à Bruxelles, et à Nancy, et à Marseille, et à Paris, au Conservatoire ! Vous verrez que je vais devenir un musicien connu ! » C’est essentiellement au concert que l’œuvre va d’ailleurs finir par faire carrière, sortant de son cadre liturgique. L’Introït débute en mineur par un accent dramatique des cordes, puis le chœur implore Requiem aeternam dans une écriture très verticale à plusieurs voix. Gabriel Fauré recherche cette même clarté prosodique dans tous les moments d’intensité expressive, comme dans le Kyrie.

L’Offertoire (tout comme le Libera me) ajoute un baryton solo. Introduit par un canon à l’octave entre les contraltos et les ténors, la musique se transforme en grand chœur à quatre voix. Une splendide vocalise montante aboutit au Amen final baigné de la lumière de la tonalité de si majeur. C’est dans cette partie que Gabriel Fauré se montre le plus audacieux dans l’interprétation du texte de la Missa pro defunctis du rite catholique romain. Il coupe les deux mots essentiels « omnium fidelium » après l’imploration « libera animas » et saute toute la référence à Saint-Michel, le juge des âmes. Cette modification a un intérêt musical mais également philosophique : le compositeur s’adresse à l’humanité toute entière et non seulement aux bons croyants.

Après le Sanctus et ses violons que Gabriel Fauré voulait « angéliques », le Pie Jesu est une touchante prière où les voix trouvent à l’orchestre un écho. Sa partie de voix solo était à l’origine écrite pour un enfant, les femmes étant interdites dans le chœur de la Madeleine. Le Libera me est probablement la partie la plus dramatique, avec une rythmique scandée, une écriture vocale anguleuse, des nuances contrastées. Il remplace le traditionnel Dies Irae, pièce habituellement centrale dans les requiems français, mais que Gabriel Fauré décide d’écarter.

L’œuvre se termine sur le In Paradisum, en principe chanté hors de l’église. Encore une fois, on peut y voir la volonté de Gabriel Fauré de renouveler le genre tout comme son envie de présenter la mort comme une « délivrance heureuse ». Son écriture en litanie, ses balancements harmoniques d’un grand raffinement, nous laissent suspendus, en dehors du temps.

Coline Oddon