Mozart, une journée particulière

En juin 2022, les spectateurs de La Seine Musicale ont pu trouver la création scénique “Mozart, une journée particulière” mise en scène par David Lescot.
Cette production donne vie au roman du musicologue H. C. Robbins Landon. À mi-chemin entre la fiction et la réalité, ce récit vous emmènera dans les pas de Mozart, au cours de sa dernière journée de travail, avant qu’il ne s’alite définitivement.

Dans ce nouvel épisode de Music Investigation, Thomas Baronnet revient sur cette folle journée et vous donne les clefs de lecture pour aborder l’œuvre !

Pour aller plus loin : le texte du programme de salle de « Mozart, une journée particulière »

Un jour de novembre 1791, le destin de Wolfgang Amadeus Mozart a définitivement basculé : miné par des années de surmenage, une santé fragile et la précarité, le compositeur s’est alité pour mourir quelques semaines plus tard. Le musicologue H. C. Robbins Landon a imaginé cette dernière journée active le temps d’une fiction inspirée de faits réels : Mozart. Une journée particulière : 12 novembre 1791.

Remontons un peu le temps. À partir de l’été 1788, la situation de Mozart est au plus bas : il doit se résoudre à déménager dans un faubourg de Vienne et perd une fille dont la naissance, quelques mois plus tôt, l’avait réjoui au plus haut point. Malgré la détresse et l’isolement, cette période est particulièrement féconde : coup sur coup, Mozart compose notamment ses trois dernières symphonies, pour lesquelles on ne connaît cependant aucun commanditaire. Rien ne permet même d’affirmer qu’il les ait entendues… La Symphonie n° 39, que d’aucuns qualifient de « maçonnique », constitue le premier volet de cette trilogie.

L’année suivante voit la composition d’une autre symphonie ayant marqué l’histoire de la musique : la Symphonie n° 92 dite « Oxford » de Joseph Haydn, ami intime de Mozart. On dit que Mozart lui-même en aurait corrigé quelques épreuves. L’œuvre est créée en 1791 à Londres sous la direction de Haydn tandis que Mozart, lui, a dû renoncer à un voyage pourtant prometteur en Angleterre.

En dépit de cette frustration, l’horizon de Mozart commence enfin à s’éclaircir. Le 5 janvier 1791, il met la touche finale à son Concerto pour piano n° 27. Quelques mois plus tard, il livre ses deux derniers opéras : La Flûte enchantée, projet cher à son cœur, constitue une véritable profession de foi maçonnique tandis que La Clémence de Titus, commande concrétisée dans l’urgence, recèle de nombreux trésors malgré le cadre contraignant de l’opera seria.

Et puis il y a le Requiem, laissé inachevé, sans lequel la légende de la mort de Mozart ne saurait être complète. Aux dires de Constance, ce Requiem aurait accaparé son époux dans ses derniers mois. En sommes-nous bien sûrs ? Car la dernière œuvre à laquelle il ait travaillé avec certitude était une cantate maçonnique destinée à ses frères de loge, dont la création a eu lieu le 18 novembre 1791 sous la direction même de Mozart.

Comme on vient de le constater, la date du 12 novembre 1791 retenue par Robbins Landon est bel et bien imaginaire. De la part d’un éminent spécialiste de Mozart, il ne peut s’agir que d’un choix délibéré : une date proche de la fin, qui laisse le champ libre pour imaginer cette dernière journée active comme le résumé de toutes ces dernières années. Une journée « particulière » où se heurtent pêle-mêle, dans l’urgence et les dettes, le Mozart symphoniste, pianiste, compositeur d’opéra, franc-maçon… mais aussi, simplement, l’homme Wolfgang.

Yann Breton pour Insula orchestra.