Beethoven, Symphonie n°3 « Eroica »

Beethoven, Eroica
Programme

Ludwig van Beethoven
Symphonie n° 3, dite « Eroica »
Allegro con brio
Marcia funebre, Adagio assai
Scherzo, Allegro vivace
Finale, Allegro molto

Distribution
Insula orchestra
Laurence Equilbey
direction

À propos de la Symphonie n° 3

Date et lieu de création : 7 avril 1805 au Théâtre de Vienne, sous la direction du compositeur.
Époque : tournant entre la période classique et la période romantique.
Durée : 50 minutes.
Dimensions : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 3 cors, 2 clarines (trompettes aiguës), timbales, violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses.
Signes distinctifs : la Symphonie Héroïque marque un tournant dans la vie de Beethoven, celui où il dépasse le désespoir causé par sa surdité.
Ce que nous aimons chez elle : Son Finale plein de surprises et de fantaisies.
Ils en ont parlé : Leonard Bernstein considérait les deux premiers mouvements comme « les pages les plus décisives de toute la musique symphonique ».
Si vous l’avez aimé, nous vous conseillons : la Sonate pour piano n°23 op.57 « Appassionata », composée par Beethoven à la même période que la Symphonie Héroïque.

En octobre 1802, Beethoven est en convalescence dans le nord de Vienne, à Heiligenstadt. Sa surdité le fait souffrir de plus en plus et son médecin lui a prescrit un séjour à la campagne pour reposer ses oreilles. Désespéré et déterminé à se retirer définitivement de la société, il écrit une lettre d’adieu à son frère. Il n’enverra jamais ce fameux Testament d’Heiligenstadt, réussissant à dépasser cette crise sombre grâce à la composition, et notamment l’écriture de sa troisième symphonie. Il y consacre deux ans et la dédie à Bonaparte, « libérateur de l’Europe ».

Mais en 1804, Napoléon se fait couronner empereur. L’année suivante l’Autriche entre en guerre contre la France aux côtés de la Russie et du Royaume-Uni. Il n’est plus question d’évoquer Bonaparte si Beethoven veut faire entendre sa symphonie en Europe. Le compositeur raye la dédicace et titre la première page « Symphonie héroïque, composée pour célébrer le souvenir d’un grand homme ». Est-ce l’écho du sentiment de trahison provoqué par le revirement de celui que Beethoven pensait défenseur des valeurs républicaines ? Ou le souvenir d’un autre grand homme, peut-être victime de ces guerres napoléoniennes ?

Malgré ces hésitations nominales, la Troisième Symphonie inaugure ce que l’on a appelé la période héroïque de Beethoven, réaffirmation de sa puissance créatrice malgré le handicap qui le frappe. C’est la première des symphonies du compositeur qui se démarque réellement de Joseph Haydn et de W. A. Mozart, avec sa structure monumentale et son verbe dramatique. Elle est introduite par deux puissants accords, adresse directe et frontale faite aux auditeurs. Les violoncelles entament la mélodie du thème, vite relayés par les cuivres qui le transforment en proclamation épique. Le premier mouvement développe les thèmes d’une manière inédite, entre contrepoint, innovations rythmiques, harmoniques, et adjonctions d’idées secondaires pour nourrir la pensée colossale qui se déroule.

L’Adagio assai est probablement le mouvement le plus célèbre de l’oeuvre. Sa marche funèbre fut isolée de la symphonie pour devenir une musique de deuil officielle, utilisée notamment lors des funérailles de Félix Mendelssohn ou de John F. Kennedy. Le troisième mouvement est un scherzo rapide, ponctué de vigoureux appels de fanfare. Ici aussi Beethoven adapte la forme à l’énergie qu’il cherche à insuffler à la musique.

Le Finale réutilise un thème du ballet des Créatures de Prométhée, composé en 1800-1801. Pour Beethoven, la figure de Prométhée était intimement liée à celle de l’artiste souffrant, dévoré par le doute, et cherchant sans cesse à recréer son propre univers. À travers les variations du mouvement, le compositeur donne vie au personnage mythique, entre effets de surprise et coups de théâtre. C’est le thème original qui conclut, triomphal, cette Symphonie Héroïque.

Coline Oddon