Beethoven and Sunwook Kim

Programme

Ludwig van Beethoven
Concerto pour piano n° 3
Symphonie n° 4

Distribution
Sunwook Kim
piano
Insula orchestra
Laurence Equilbey
direction

Concert filmé le 29 septembre 2021 à La Seine Musicale, réalisation Marie Guilloux.
Cette captation fait partie de la série “De concert à La Seine Musicale”, produite par le Département des Hauts-de-Seine.

Pour aller plus loin : un texte sur le Concerto pour piano n° 3 de Beethoven

Ludwig van Beethoven et Wolfgang Amadeus Mozart se sont-ils vraiment rencontrés ? Faut-il donner crédit à l’anecdote selon laquelle le jeune homme de 17 ans, auditionné par son aîné, aurait été reçu froidement ? Ou croire la version opposée selon laquelle Amadeus se serait exclamé : « Écoutez ce nom : Beethoven, le monde entier en entendra parler » ?

Ce qui est certain, c’est que la musique de Mozart était familière à Beethoven. Son Concerto pour piano n° 3 en témoigne : le choix de la tonalité d’ut mineur rappelle celle du Concerto pour piano n° 24 – une œuvre que Beethoven portait en grande estime. Entendant lors d’une promenade en compagnie de son ami le compositeur Johann Baptist Cramer les notes du finale s’échapper d’une fenêtre, il se serait écrié : « Cramer, Cramer, nous ne serons jamais capables de faire quelque chose comme cela ! ». D’autres parentés – trop nombreuses pour être reléguées au rang de coïncidences –, accréditent l’idée d’une filiation entre les deux partitions : ainsi du tout premier thème de l’Allegro qui paraît presque une citation de celui de Mozart, ou encore du style galant qui parcourt le deuxième thème.

Pourtant, comme toujours chez Beethoven, les influences sont dépassées pour donner libre cours à un style personnel et une pensée foisonnante. Si sa partition figure aujourd’hui au rang des plus belles pages du concerto romantique, c’est que la structure classique cohabite avec une subjectivité qui annonce le romantisme. Selon les canons traditionnels, le premier mouvement recourt à la forme sonate et le dernier à celle du rondo, mais le mouvement lent, lui, est écrit en mi majeur, une tonalité inattendue, très éloignée de celle du premier mouvement (l’ut mineur). Ce contraste dramatise le discours et lui apporte une intensité poignante.

Beethoven crée son concerto au Theater an der Wien en 1803. Une anecdote célèbre racontée par son ami Ignaz von Seyfried montre bien le talent que le compositeur déployait au piano : « Beethoven m’invita à lui tourner les pages ; mais ciel ! C’était plus facile à dire qu’à faire. Je ne voyais guère que des pages blanches, tout au plus par-ci par-là quelques hiéroglyphes totalement incompréhensibles pour moi ; il jouait la partie principale presque entièrement de mémoire car il n’avait pas eu le temps, comme cela lui arrivait souvent, de l’écrire complètement. »

La partition n’obtient pas le succès escompté sans doute en raison d’un manque de préparation, même si l’œuvre est aujourd’hui considérée comme un modèle du genre concertant. Tour à tour héroïque, lyrique ou poignante, elle dévoile aussi, dans son dernier mouvement, le ton primesautier que Beethoven peut emprunter, même s’il surprend par la contradiction entre la tonalité tragique d’ut mineur et la forme rondo destinée aux musiques enjouées. C’est cette ambivalence qui est au cœur de la complexité beethovénienne et donne tout son prix à sa musique.

Isabelle Stibbe pour Insula orchestra

Pour aller plus loin : un texte sur la Symphonie n° 4 de Beethoven

Cela commence par une violente dispute : alors que Ludwig van Beethoven séjourne à l’automne 1806 chez son protecteur et mécène le prince Lichnovsky, le compositeur refuse de jouer devant des officiers français. Telle est sa façon de protester contre l’invasion napoléonienne. Peu après, il va jusqu’à déclarer dans un billet lapidaire : « Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi. Des princes il y en a et il en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven ». Quel panache ! mais aussi quelle gêne financière désormais ! Cela explique pourquoi il accepte une commande, lui qui ne les goûte pas particulièrement : celle du compte Oppersdorff, un aristocrate voisin qui lui demande une symphonie qui sera la quatrième de son catalogue.

Composée très vite, sa nouvelle œuvre débute par une introduction lente à la tonalité dramatique, jouée pianissimo. En jaillit crescendo un Allegro optimiste qui expose le thème principal, très enjoué avec ses notes piquées des violons. Un second thème assez dansant vient le rejoindre, parsemé de modulations hardies, puis la progression dramatique culmine avec une coda affirmant la tonalité de si bémol majeur.

Du deuxième mouvement, un magnifique Adagio qui constitue le sommet de la partition, Hector Berlioz a écrit : « il surpasse tout ce que l’imagination la plus brûlante pourra jamais rêver de tendresse et de pure volupté. » De fait, la tendresse qui en émane instaure un climat poétique et mystérieux.

Le menuet, en réalité un scherzo au tempo très rapide, débute fortissimo par un motif des premiers violons, clarinettes et bassons et impressionne par son jeu sur les rythmes. On y entend ensuite deux fois un trio, ce qui donne au menuet une coupe en cinq parties – la règle qui sera désormais la norme dans les autres symphonies de Beethoven.

Le finale, très véloce également, renoue avec l’enjouement du premier mouvement et progresse avec virtuosité jusqu’à une conclusion riche d’effets.

Foin de la légende tenace selon laquelle cette symphonie optimiste serait le fruit des fiançailles entre Beethoven et la comtesse Thérèse de Brunswick – en réalité, ces fiançailles n’ont jamais eu lieu. La Quatrième symphonie ne constitue pas non plus un retour en arrière après la grandeur de la Symphonie n° 3 dite« Héroïque ». Si par certains côtés, Beethoven se fait l’héritier des dernières symphonies de Haydn, les surprises qu’il introduit avec de brusques oppositions de dynamiques ou de rythmes traduisent bien sa marque de fabrique.

Isabelle Stibbe pour Insula orchestra